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Philologie d'Orient et d'Occident
30 juin 2010

L'antériorité du ryûkyû au japonais

Philologie d'Orient et d'Occident (40)
                                       Le 30/06/2010, Tokyo     K.


L'antériorité du ryûkyû par rapport au japonais
- Métamorphose du verbe ontique (w)u -

     A propos du shûshi-kei (infinitif) du verbe en ancien japonais, Yukio Uemura fait la remarque suivante : la forme est composée du nominal (ren'yô-kei) et de u ontique, probablement contraction de wi « être assis ». (Nihon-rettô-no Gengo, Tokyo, Sanseidô, 1997, p. 344). 

     Le procès peut être illustré par un schéma  nomi + u  = nomu « boire ». Selon moi, u n'est pas une contraction de wi, mais une syllabe wu, verbe authentique dont le moyen de représentation n'existait pas dans l'écriture japonaise. Car, le kana japonais ne dispose toujours pas de graphie qui puisse représenter wu dans son système. En kana ancien, la différence phonologiquement réelle entre w + voyelle et voyelle, était rendue par deux séries de kana dont le syllabisme évoque celui du linéaire B : wa わ, wi ゐ, we ゑ, wo を / a あ, i い, e え, o お. Seule l'opposition entre wu et u n'était pas concrétisée. Dès le début du système kana, ces deux unités phoniques sont toujours rendues de façon uniforme par un seul et même kana u う.

      La perte du phonème w, à l'initiale ou à l'intérieur de mots, fut générale, sauf devant la voyelle a, en japonais. Les syllabes wi, we, wo perdirent au cours du temps  leur labio-vélaire w pour devenir de simples voyelles i, e, o. L'élément w des kw-, gw-, occulsives labio-vélaires, disparut aussi. Ma grand-mère qui aurait cent-vingt-cinq ans si elle était encore en vie prononçait de son vivant, gwakkô ou kwaidan au lieu de gakkô « école » et kaidan « escalier ».Seule l'opposition wa : a,  d'emploi phonologiquement indépendant, est restée.

     L'absence de wu dans la phonologie japonaise ne fait pourtant pas état de la réalité. Le phonème w devant voyelle u, latent partout en japonais (et ses dialectes), fait son apparition dans la description des dialectologues qui ont mené l'enquête sur le verbe ontique iru (oru) « être » en ryûkyû (Nihon-gengo-chizu « Atlas linguistique du Japon » Tokyo, 1967, en petit format  1982, t. II, carte 53).
     Presque la totalité des exemples correspondant à iru (oru) japonais y sont représentés avec w- (wun, wum, wuri, wurun etc.). Une exception, bun, forme renforcée du labio-vélaire w, témoin probable de la composition originelle CV de u, est attestée à Yonakuni, île à l'extrémité ouest du pays.

     A quelle vérité ces formes archaïques de ryûkyû peuvent-elles nous faire accéder ? Le verbe u était en effet wu, coiffé de la labio-vélaire. Il est bien possible que de ces morphèmes dialectaux, wun (wum) soit antérieur à wuri, wurun, avec r épenthétique. Cette consonne initiale attestée en ryûkyû a pour fonction de mettre de l'ordre à l'état un peu anarchique des verbes ontiques japonais : aru, iru, oru. Ces trois verbes peuvent être issus d'un seul et même étymon : wi (ou wu) « demeure, être ». C'est wi (ou wu) qui alterna en trois degrés (wa- / wo- inaccompli, wi- nominal) pour se constituer chacun en un verbe indépendant et produire, finalement, une série de synonymes : (w)aru, (w)iru et (w)oru. La terminaison -ru est due au rajout de wu et à la naissance de r épenthétique comme on l'a vu (billet 33) dans la formation du verbe suguru « passer » = sugu (sugi + wu) + wu.

     Le verbe ryûkyû numun « boire » est constitué de numi + wun. Le verbe japonais nomu « boire » est de la même formation : nomi + (w)u. On voit le même parallélisme (-u- / -o-, -un / -u) dans wuri (ryûkyû) / ori (japonais) ; wurun (ry.) / oru (j.). Le ryûkyû a perpétué sous la forme de wun (wum) le vieux verbe ontique japonais (w)u, qui s'éclipsa, dans l'usage courant, après avoir contribué, comme auxiliaire, à la formation du système verbal japonais.

     La filiation du ryûkyû avec le japonais et l'antériorité du ryûkyû par rapport à ce dernier ne peuvent être contestées. (Pause pour le ryûkyû)

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