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Philologie d'Orient et d'Occident
2 juin 2010

L'Oie : *ghans- indo-européen, χήν grec, ngan chinois et leurs homologues japonais gan et kari (fin)

 

     Philologie d'Orient et d'Occident (32) Le 02/06/2010, Tokyo  K.

 L'Oie : *ghans- indo-européen, χήν grec, ngan chinois

et leurs homologues japonais gan et kari (fin)

     Le -r- épenthétique

       Le kanjihen (go-on / kan-on) veut dire en japonais « bords, environs, parages ». Il peut être utilisé seul (sans être composé) en japonais moderne. Le mot hen qui n'existait pas encore en japonais ancien du Man'yô-shû entra dans l'usage à partir de l'époque Héian. La forme ancienne de hen / fen était fe /

      fanafada-mo / yo-fukete na-iki / michi-no fe-no / yu-zasa-ga ufe-ni / simo-no huru-yo wo « Ne pars pas si tard ce soir où il gèle sur des bambous sacrés au bord de  la route »  (poème 2336  auteur inconnu) 

   waga-seko-wo / Yamato-fe yaruto  « expédier mon fère aimé vers Yamato » (poème 105, cf. billet 3)          
      Dans le Man'yô-shû, le synonyme japonais le plus fréquemment employé pour fe « bord » était atari « environs, là, parages », transcrit en kanji-phonétiques 安多里 ou 安多理 qui ne pouvaient que se lire atari. L'évolution phonétique du kanji 辺 de la plus haute antiquité à l'époque moderne (biān) est, d'après le dictionnaire chinois-japonais du Dr Tôdô, la suivante :   

          pān - pen - pien - pian (biān).

    Je ne connais aucun dictionnaire d'ancien japonais qui affirme que l'origine du japonais fe(n) soit chinoise. Il me semble, cependant, qu'il n'y ait aucun obstacle à le faire venir d'une des formes de l'époque de la Haute Antiquité chinoise, c'est-à-dire, soit de pān ou de pen (?) (go-on). La lecture pen se serait transformée en fen du côté japonais dans les tout premiers siècles. Fe est le résultat de la perte de la terminaison -n. Fen à l'époque Héian n'est pas une continuité de pen chinois mais une renaissance de la lecture chinoise (go-on / kan-on). Assurés d'avoir pris suffisamment de recul avec le chinois, les Japonais avaient confiance en leur propre langue. L'emprunt au chinois ne les gênait plus.
    Le chinois 辺 disposait des mêmes acceptions qu'en japonais. Les Japonais en ont même fait une particule casuelle de direction « vers ». Kawa-(f)e mukau « se diriger vers la rivière ».

    Une autre solution de fen / hen pour éviter la terminaison n et s'assurer de la structure CV propre au japonais devait être feri / heri. Je ne peux pourtant pas m'expliquer pourquoi ces formes en -ri ne sont pas confirmées dans le vocabulaire antérieur à l'époque Héian. Originaire du nord du pays, j'ai plus de familiarité avec des formules en -heri / -beri qu'avec -he / -be. Kawa-be « bords de rivière » sent la littérature ou le standard. Kawa-beri « bords de rivière » ou umi-beri « bords de mer », voilà ce qu'il me convient, plutôt que kawa-be ou umi-be.
    Chez nous dans le nord, heri « bord » ne voulait pas dire « environs, parages ». Une vieille dame de chez nous dirait : sono-atari (-wo) sagasu plutôt que  sono-heri / -hen (-wo) sagasu « chercher par-là ». Le mot héri avec -r- épenthétique est consacré uniquement aux « bords », la plus vieille acception. Le -fen était un peu considéré comme mal assis.

     L'épenthèse ne manque pas de me rappeler un phénomène du même genre en chinois moderne : biān (forme moderne de pen chinois 辺) qui se prononce biā(n)r (pángbiānr « à côté, près ») ou wán « jouer » 玩, non pas wán mais (n)r, etc. Le grand dictionnaire d'ancien japonais du Dr Nakata Norio (cf. Billet 31) dit que mari « boule, balle » et maro 丸 « rond » sont de la même racine.
    J'irais même jusqu'à affirmer que mari peut remonter à 満 măn chinois « plein » (< muan, à la Haute Antiquité). Dans ce cas-là, c'est plutôt man (privé de la semi-voyelle u) qui était à l'origine des deux autres (mari et maro). Ne serait-ce donc pas ce -r- épenthétique qui rend compte de -r- de kari ? Kan « oie » est devenu kari, de même que pen chinois s'est transformé en heri et man, en mari. (Fin pour l'oie, *ghans- indo-européen)

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