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Philologie d'Orient et d'Occident
13 avril 2010

L'art de transformer les idéogrammes en signes phonétiques : Ts'et-hiuœn, 切韻, (édité en 601)

 

Philologie d'Orient et d'Occident (17)

Le 13/04/2010, Tokyo


L'art de transformer les idéogrammes en signes phonétiques :
Ts'et-hiuœn, 切韻, (édité en 601)

[La notation ng équivaut à un g nasal]

 

      En Chine, le bouddhisme était déjà connu tout au début du premier siècle. C'est seulement à partir du début du Ve siècle que l'on s'intéressa à lire correctement le texte bouddhique en sanskrit. C'était le premier contact des Chinois avec la grande écriture en signes phonétiques. L'écriture chinoise est un système d'idéogrammes. Chaque caractère représente non pas un son mais une syllabe, voire, un mot avec deux faces : l'une phonique, et l'autre sémantique.
     D'autre part, le nâgari, écriture sanskrite, est un système de représentation  analytique sophistiquée, supérieure en exactitude (pour les quantités vocaliques et les qualités consonantiques) à l'alphabet. Un caractère sanskrit est composé d'un élément représentant la consonne et d'un petit signe indiquant la voyelle. Le vocalisme du sanskrit est simple : cinq voyelles : a, i, u et r, l (ces deux liquides sont vocaliques). Chaque voyelle peut être longue ou brève. Dans l'emploi réel dominent trois voyelles a, i, u, surtout a. Quatre diphtongues : e, ai, o et au. Pânini, grammairien du IVe siècle avant J.-C. qui fit une analyse grammaticale du sanskrit, avait déjà la notion moderne du phonème.
     En Chine, à la fin du VIe siècle, le besoin de représenter phonétiquement les kanji pour apprendre à les lire correctement coïncidait avec la nécessité de lire au moyen des kanji le texte en nâgari. Un livre d'analyse phonétique du chinois, 切韻 Ts'et-hiuœn (setsu-in en japonais), apporta tout au début du VIIe siècle une méthodologie inspirée du système nâgari. La méthode chinoise de représentation phonétique des kanji consistait à diviser la lecture d'un mot (une syllabe souvent en CV) en deux éléments consonantique et vocalique. La partie consonantique s'appelle shiœng-mbœu 声母 (sei-bo en japonais) « mère sonante », c'est-à-dire, consonne. La partie vocalique, hiuœn-mbœu 韻母 (im-bo en japonais) est  « mère phonémique », c'est-à-dire, voyelle. Dans un composé de deux kanji, le premier représentait uniquement sa consonne, le second, sa voyelle.

     Ngo 吾 « moi » et ngio 魚 « poisson » étaient ainsi rendus de la façon suivante :
        吾  représenté par 五 乎 = ng(o) 五 + (ɦ)o 乎 = ngo
        魚 représenté par 語居 = ng(io) 語 + (k)io 居 = ngio

   Il faut remarquer ici qu'un mot non-palatalisé ngo 五 (tiœk-iœm 直音) est accouplé par affinité avec un autre non-palatalisé ɦo 乎, et un mot palatalisé ngio 語 (iau-iœm 拗音), avec un autre palatalisé kio 居 (cf. le billet 16 du 07/04). La qualité phonémique de ngio 魚 et de ngio 語 est la même. La différence réside dans l'intonation. Il y en a quatre dans la langue chinoise. Nous y reviendrons dans le prochain billet.
 La méthode chinoise nous rappelle l'écriture arabe ou le syllabaire du mycénien (linéaire B) qui néglige sciemment une partie vocalique d'une syllabe :

    e-k(o)-to = Ἕκτωρ ; t(i)-ri-po = τρίπους « trépied »

et le syllabaire japonais kana (formé à partir de kanji employés uniquement pour leur son, et au dessin simplifié) où l'habitude aurait été d'ignorer soit à dessein soit inconsciemment le son tordu et la nasalisation.

    t('i)e(n) 天→ syllabe te (modifié graphiquement en て・テ)  ;  h(i)o 許 (h laryngale) → syllabe ko (こ・コ)  ; a(n) 安→ voyelle a (あ・ア)   

  La phonologie chinoise est une science exacte par laquelle on peut avoir accès à la vraie prononciation du chinois ancien. Elle est d'autant plus importante qu'elle s'est perfectionnée au moment où l'introduction du chinois au Japon s'effectuait massivement. Le Kanwa-daijiten du Dr Tôdô (Tokyo, Gakken, 1978, p. 1572 sqq.) est la meilleure synthèse du problème.

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